Particpation du groupe de recherche 
au WOCMES 2018
« Discours, participation et représentation politique et sociale des jeunes en Afrique du nord depuis 2011 : médias, société civile et institutions »
Panel presenté et organisé par Thierry Desrues (IESA-CSIC, JdA) et discuté par Mohand Tilmatine (UCA)
En Afrique du nord, les mobilisations de l’hiver 2010-2011 qui ont conduit à la chute du président Ben Ali en Tunisie et à une réforme constitutionnelle au Maroc ont généralement été présentées par les médias, et voire par les manifestants eux-mêmes, comme des mouvements de contestation politique et sociale impulsés par les jeunesses tunisienne et marocaine. Ce protagonisme de la jeunesse a été suivi par des discours officiels et des rapports d’institutions supranationales qui sans être particulièrement novateurs et originaux ont situé de nouveau la participation politique et sociale des jeunes parmi les défis à relever non seulement pour les gouvernements des pays du Maghreb, mais aussi pour la coopération internationale dans la région.
Ces récits ont en commun un paradoxe : la jeunesse est présentée tour à tour comme une ressource et comme un problème social, doublé d’un problème politique.
La désillusion, mesurée à l’aune de l’abstentionnisme électoral des jeunes, qui semble dominer de larges pans de la jeunesse depuis 2013 confère une actualité renouvelée à la question de la représentation politique et sociale des jeunes.
Ce faisant, depuis 2011, les engagements des jeunes dans le secteur associatif se sont multipliés, notamment en Tunisie, et dans une moindre mesure au Maroc (Desrues et Velasco, 2014).
En parallèle, dans ces deux pays, on peut distinguer l’émergence de deux tendances : d’une part, l’offre de participation s’est accrue et substantiellement diversifiée ; d’autre part, les institutions publiques de gouvernance, qu’elles soient nouvelles ou réformées, font l’objet d’un suivi attentif par des acteurs de la société civile, très réactifs en termes de veille, capables de dénoncer publiquement l’action de pouvoirs publics qui violeraient les normes censés les régir et mettraient en cause les principes de justice, d’égalité et de protection de collectifs défavorisés.
Par ailleurs, des mesures ont été prises dans les deux pays pour favoriser la représentation politique des jeunes, notamment au niveau des Parlements. En revanche, la situation en Algérie semble suivre un autre rythme qui nous rappelle le poids des trajectoires nationales tant au niveau de la configuration et des ajustements des régimes politiques que de la dynamiques des contestations.
Conformément à ces prémisses, 7 ans après les injonctions des mouvements protestataires de 2011, il s’agit d’analyser certaines évolutions de l’activisme des jeunes en Tunisie et au Maroc ainsi que l’image que nous renvoient les médias, les institutions et les acteurs nationaux et internationaux des jeunesses maghrébines.
Ce panel et les communications s’inscrivent dans le cadre des résultats du projet: “Problèmes publics et militantisme au Maghreb. La participation sociale et politique des jeunes dans leur dimension locale et transnationale”, financé par le Ministère espagnol de l’Économie et de la compétitivité (CSO2014-52998-C3-2-P).
Titres des communications
Éric Gobe : Les jeunes dans les associations de surveillance : la professionnalisation d’un engagement politique ?
RésuméLe 14 janvier 2011 vient clore le cycle de l’État tutélaire et autoritaire tunisien ouvert avec l’indépendance en 1956. Depuis le départ du président Ben Ali, l’État apparait affaibli. Les institutions éprouvent de grandes difficultés à réguler un processus de changement politique censé aboutir à l’instauration d’un régime démocratique stabilisé. Cette situation débouche sur l’affirmation d’acteurs ad hoc issus d’initiatives d’une société civile dont les composantes se posent comme une « contre-démocratie » ou plus précisément comme des acteurs d’une « démocratie de surveillance ». Ainsi se multiplient les « observatoires » (de la justice, des médias, etc.), organisations mariant « capacité de contre-expertise » et « activité d’interpellation » . L’immense majorité de ces associations est animé par de jeunes activistes militants (entre 25 et 35 ans) qui, depuis le 14 janvier 2011, se posent en surveillants sourcilleux de l’activité de l’Assemblé constituante et de la politique des gouvernements de transition qui se sont succédé. L’action de l’association, apôtre de l’open government, al-Bawsala (la boussole en français) apparait, à ce propos, comme particulièrement révélatrice de l’émergence de ces jeunes militants de la société civile, soutenus par les grandes ONG internationale, qui se donnent pour objectif de contrôler le travail constitutionnel, parlementaire et gouvernemental (notamment en matière budgétaire) en Tunisie. L’objectif de cette recherche est précisément d’analyser la manière dont s’articule l’action de ces jeunes activistes, souvent formés à l’international, avec la politique conduite par les organisations internationales étatiques, comme non gouvernementales depuis 2011.
Mario García Chicano: L’engagement des jeunes étudiants marocains : fragmentation organisationnelle actuelle et capital symbolique de l’UNEM
RésuméL’histoire du militantisme juvénile au Maroc est marquée par la trajectoire de l’Union nationale des étudiants marocains (UNEM). Depuis sa création en 1956 et jusqu’au début des années 80, celle-ci incarne la radicalité de l’activisme politique et social des étudiants dont la vision transformatrice voire révolutionnaire faisait écho aux mouvements étudiants de contestation à l’époque dans le reste du monde. Les anciens militants de l’UNEM historique, aujourd’hui proches de l’âge de la retraite, jettent fréquemment un regard sur le contexte politique marocain actuel qui reste marqué indépendamment de leur évaluation par leur militantisme de jeunesse. Victimes de la répression du régime d’Hassan II auxquels ils s’opposaient, ils regrettent l’unité de la lutte malgré les fortes tensions internes qui existaient entre les diverses tendances politiques de gauche. Aujourd’hui, le renouvellement de la participation sociale et politique des jeunes ainsi que la récurrence de la contestation étudiante font que les campus universitaires et les lycées marocains connaissent de multiples protestations qui bien qu’atomisées connectent avec d’autres cycles de mobilisation à l’intérieur du pays et à l’international illustrant la transnationalisation croissante des causes ou tout au moins leur montée en visibilité. Même si parmi ces étudiants, certains se revendiquent de l’UNEM, notamment à cause du capital symbolique qu’elle représente toujours, l’observation des organisations étudiantes semblent montrer que celles-ci sont plutôt aux prises avec des luttes pour l’hégémonie idéologique et organisationnelle sur les campus et que la réactivation de la vieille organisation étudiante en tant qu’emblème du secteur éducatif est devenue un objectif secondaire. La réalité du mouvement revendicatif étudiant est caractérisée par l’atomisation des divers groupes et organisations présentes sur les campus. Elle reflète ainsi le panorama des formations politiques. Dans l’impossibilité de remettre l’UNEM sur les rails et de bénéficier de l’unité d’action que celle-ci pourrait permettre, le mouvement étudiant de revendication est de plus en plus divisé et inefficace tant dans les actions qu’il entreprend que dans la réussite de ses objectifs.
Marta Gonzalez García de Paredes: Jeunes et représentation parlementaire au Maroc : un quota pour quoi faire ?
RésuméEn 2011, suite aux vagues contestataires qui se succédaient en Afrique du Nord et au Moyen Orient connues sous l’appellation de « Printemps Arabe », le Maroc adoptait une mesure « temporaire » visant à corriger le manque de représentation des jeunes dans les institutions politiques. Concrètement, l’adoption d’une nouvelle liste électorale élue dans une circonscription unique au niveau national, garantissait la présence d’au moins 30 députés ayant moins de 40 ans. Cette mesure réservant des sièges pour les « jeunes » s’inscrit dans une stratégie politique plus ancienne d’élargissement des mécanismes de représentation, qui avait concerné l’inclusion des femmes au Parlement au début des années 2000. Vu que les études sur la représentation politique des jeunes sont encore balbutiantes, le cas du Maroc est une aubaine pour avancer dans la connaissance de ce mécanisme de discrimination positive. Ceci-dit, l’adoption d’une telle mesure n’efface pas de façon mécanique les dynamiques de discrimination préexistantes. En effet, elle agit de concert avec les normes et les pratiques en vigueur, qui influent ce qu’on appelle « le processus de représentation ». À travers une méthodologie mixte analysant, d’une part, la présence des jeunes à la Chambre des Représentants à travers des données quantitatives, et d’autre part, les discours des acteurs à travers des entretiens semi-structurés, cette communication vise à comprendre les logiques qui conduisent à cette sous-représentation de cette catégorie d’âge, et entravent la portée du quota des jeunes dans la reconfiguration de la représentation parlementaire au Maroc.
Thierry Desrues et Ana Velasco : Le renouveau de l’engagement associatif en Tunisie dans l’après Ben Ali. Les enseignements des jeunes participants aux Forums sociaux mondiaux et aux Forums de la Jeunesse
RésuméDans cette communication, on aborde diverses dimensions de l’engagement des jeunes tunisiens dans le secteur associatif dans le sillage de la « révolution » de 2011. On part du constat de la croissance de l’offre associative dès la chute du régime autoritaire de Ben Ali et on tente de saisir l’évolution de celle-ci au cours des cinq première années de la « ·transition démocratique ». Pour ce faire, on présente quelques résultats de quatre enquêtes réalisées auprès de plusieurs centaines de jeunes activistes tunisiens lors de diverses rencontres de militants tels que les Forums sociaux mondiaux de Tunis en 2013 et en 2015 ou les Forums Jeunesse en 2015 et 2016. Parmi les dimensions abordées, on analyse d’abord la question de l’engagement dans une association : le profil des activistes, leur socialisation, les motivations de l’engagement militant, le choix des causes. On essaie de détecter l’influence sur ce franchissement du rubicon qu’ont les attitudes de ces jeunes envers les mouvements de protestation, les changements politiques et les processus électoraux récents qui ont suivi la « révolution ». Ensuite, on s’attarde sur la vie associative et la participation du jeune militant au sein de son organisation afin d’élaborer une typologie des associations en fonction de leur cause, leur fonctionnement interne et leur relation avec l’environnement institutionnel.
Hamida El Bour : L’image des jeunes dans les discours des médias : le cas de la Tunisie dans l’après Ben Ali
RésuméLes médias contribuent à forger une opinion publique à propos de préoccupations et de problèmes qui sont susceptibles d’intéresser la société. En Tunisie, depuis 2011, ce postulat trouve son essence dans un contexte démocratique dont la liberté de la presse et l’expression de la diversité des opinions sont des indicateurs. En effet, les médias dans les sociétés démocratiques sont des acteurs centraux, garantissant le pluralisme de celles-ci (El Bour, 2013a : 7). En vue d’assumer le statut de « participants actif dans la vie démocratique » ( Irby et al., 2007, 197 ), ces médiateurs engagés envers le public ont l’obligation de l’informer.Ce public étant multiple, décentralisé et exprimant différentes orientations politiques, s’attend à trouver dans le discours médiatique des échos de ses préoccupations et de ses opinions. Transposé au contexte tunisien postrévolutionnaire, les jeunes représentant la majorité de la population, les médias sont supposés leur accorder leur attention et un espace à leurs voix. Ceci étant, même dans un contexte de liberté, l’action des médias reste basée sur la sélection des faits à diffuser. “La première opération des médias étant sélective, de nombreux faits ne s’inscriront jamais dans le discours médiatique” (Esquenazi, 2002, p. 48). Selon la théorie de l’agenda setting des médias, ces derniers dressent l’échelle des priorités, par les flux d’informations qu’ils diffusent et décident donc des faits à mettre en exergue, et ils reproduisent, simultanément, l’image que les journalistes esquissent de la réalité (Biagi, 2010, p.264). Notre objectif dans cette communication est d’étudier les représentations de la réalité des jeunes dans le discours médiatique en Tunisie. Pour ce faire, nous avons choisi d’analyser le cas d’un journal , Akher Khabar, (dernière nouvelle), produit majoritairement par de jeunes journalistes. Il s’agira pour nous d’analyser les niveaux de perceptions et de représentations des jeunes, en tant que sujet et en tant qu’acteurs dans le discours médiatique post révolution.
Mohamed El Madkouri Maataoui : La voix féminine jeune durant les mobilisations contre la « Hogra » en 2011 en Afrique du Nord : le cas du Maroc
RésuméDans le panorama social des « Printemps arabe » et ses dérivations et conséquences, qui pourraient être étudiées à partir de perspectives multiples, l’objectif de cette communication, au-delà de repasser et d’analyser les convergences et les divergences entre les différentes voix féminines, est de souligner, d’un point de vue sociolinguistique, les principales caractéristiques discursives de ces constructions linguistiques de protestation et de mobilisation (à peine rendues visibles par la presse). L’axe principal de ce travail sera donc la description des productions linguistiques du discours féminin de la revendication, dans le contexte des « Printemps arabes » et de ses circonstances ultérieures (notamment au Maroc). Une des questions que nous avons soulevées, à cet égard, est la suivante: quelles sont les caractéristiques fondamentales de ces constructions féminines du point de vue sociolinguistique?, Et de quoi se plaint la voix féminine? On a observé que l’axe qui articule les revendication tourne autour des injustices sociales tant matérielles qu’immatérielles. En ce qui concerne, la matérialité des injustices sociales, la voix dénonce le piston et la corruption administrative, le chômage, la précarité économique et l’insécurité des biens et de l’intégrité physique. Quant à la dimension immatérielle elle se concrétise dans la dénonciation des manquements à la dignité humaine (Hogra), la discrimination dans l’égalité de traitement et l’universalisation des lois, qui conduisent à l’arbitraire de la justice. Le corpus analysé est composé d’enregistrements de voix et d’images postés sur les réseaux sociaux de communications dans l’espace virtuel, ainsi que des fragments de discours et d’images publiés dans la presse.
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