Understanding Maghrebi Societies

Ecartelé entre le français, la darija, l’arabe classique et l’amazigh, le pays ne parvient pas à se mettre d’accord sur une politique linguistique stable.

Le débat n’en finit pas de rebondir. Faut-il supprimer le français ? Institutionnaliser la darija (arabe dialectal) ? Défendre l’arabe classique ? Depuis des décennies, le Maroc ne parvient pas à se mettre d’accord sur une politique linguistique stable. Une question d’autant plus fâcheuse que certains n’hésitent pas à parler d’« apartheid social » lié à l’usage des langues dans le royaume, où la diversité linguistique portée par l’arabe, la darija, les dialectes berbères, le français ou encore l’espagnol est l’objet d’une guerre qui touche la sphère politique et se ressent jusque sur les bancs des écoles.

Et si les langues faisaient la paix ? C’est la réflexion qu’invite à mener l’éditrice indépendante Kenza Sefrioui. La Franco-Marocaine de 38 ans a réuni dans un ouvrage une panoplie de textes écrits par un collectif de seize intellectuels de langue arabe, française ou bilingues, dont la chercheuse Zakia Iraqui-Sinaceur, le poète Jalal Al-Hakmaoui et l’écrivain Abdellah Taïa. Dans Maroc : la guerre des langues ?, paru le 10 février, une idée les met tous d’accord : il faut célébrer la pluralité des langues pour qu’elle devienne un motif de fierté.

Mais dans un pays où seul l’arabe dialectal est parlé par l’ensemble des Marocains – ou presque –, la diversité des langues reste une source de tensions. « Le poids de l’histoire coloniale, les hégémonies géopolitiques et les fractures sociales ont installé des représentations souvent caricaturales : le français est vu comme la langue de la modernité, tandis que l’arabe est assigné à la religion et à la tradition et que la darija et les dialectes berbères sont juste bons à communiquer, explique Kenza Sefrioui. Ces rapports de forces génèrent des crispations identitaires, une obsession de la légitimité et des sentiments d’injustice. »

Le sujet a particulièrement attiré les visiteurs du Salon international du livre, dont la 24e édition s’est tenue du 9 au 18 février à Casablanca. Car si la question est existentielle dans le royaume, c’est qu’elle se vit au quotidien. « Il y a un écart géant entre la langue que l’on parle et la langue officielle », témoigne Nadia, une étudiante casablancaise de 24 ans. Au Maroc, les jugements dans les tribunaux sont prononcés en arabe classique, au grand dam de ceux qui ne le parlent pas. « Idem pour le journal télévisé ou les démarches administratives, qui restent inaccessibles pour un grand nombre de gens », poursuit la jeune femme.

A cette situation de diglossie (coexistence d’une langue savante et d’une langue parlée) s’ajoute le paradoxe de l’enseignement : en arabe jusqu’au bac, puis en français à l’université pour la plupart des matières, dont les sciences et la médecine. Sur le marché du travail, ceux qui maîtrisent le français ont des salaires plus attractifs, avec de meilleures perspectives de carrière.

« Qu’on ne vienne pas nous dire que les langues n’ont pas une dimension sociale : on ne vit pas de la même manière selon la langue qu’on parle et donc du milieu dont on vient », affirme Nadia.

Pour continuer à lire: http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/02/21/au-maroc-les-langues-de-la-discorde_5260401_3212.html

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